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La protection fonctionnelle des élus locaux

Les élus locaux bénéficient d’un régime de protection qui répond à trois types de situation :

 lorsque l’élu local est victime d’un accident dans l’exercice de ses fonctions,
 lorsque l’élu ou ses proches subissent des violences ou des outrages résultant de la qualité d’élu local,
 lorsque l’élu local fait l’objet de poursuites (civiles ou pénales) pour des faits se rattachant à l’exercice de ses fonctions ou lorsque sa gestion est contrôlée par la Chambre Régionale des Comptes.
Pour l’essentiel, les fondements de cette protection figurent dans les dispositions du code général des collectivités territoriales mais elle a été largement précisée par la jurisprudence.
La protection fonctionnelle, que la collectivité territoriale doit accorder à ses élus lorsqu’ils sont victimes de violences, de menaces ou d’outrages à l’occasion ou du fait de leurs fonctions exécutives, a été profondément modifiée par la loi n° 2024-247 du 21 mars 2024 (articles L2123-35, L3123-29 et L4135-29 du CGCT)

1- Les élus pouvant bénéficier de la protection fonctionnelle de la collectivité

Les dispositions prévoyant l’octroi de la protection fonctionnelle, à savoir les articles du code général des collectivités territoriales, ne visent que le maire et les élus municipaux le suppléant ou ayant reçu délégation.
Pendant longtemps, les autres élus ont été exclus du bénéfice de cette protection.
Néanmoins, une décision de justice récente a changé la donne.
En effet, la cour administrative d’appel de Versailles a considéré que : « Lorsqu’un agent public est mis en cause par un tiers à raison de ses fonctions, il incombe à la collectivité publique dont il dépend de lui accorder sa protection dans le cadre d’une instance civile non seulement en le couvrant des condamnations civiles prononcées contre lui mais aussi en prenant en charge l’ensemble des frais de cette instance, dans la mesure où une faute personnelle détachable du service ne lui est pas imputable. De même, il lui incombe de lui accorder sa protection dans le cas où il fait l’objet de poursuites pénales, sauf s’il a commis une faute personnelle, et, à moins qu’un motif d’intérêt général ne s’y oppose, de le protéger contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont il est l’objet. Ce principe général du droit a d’ailleurs été expressément réaffirmé par les articles L. 2123-34, L. 2123-35, L. 3123-28, L. 3123-29, L. 4135-28 et L. 4135-29 du code général des collectivités territoriales, s’agissant des exécutifs des collectivités territoriales. Cette protection s’applique à tous les agents publics, quel que soit le mode d’accès à leurs fonctions, notamment à l’ensemble des conseillers municipaux, même ceux n’ayant pas reçu de délégation du maire et n’exerçant en conséquence pas de fonction exécutive » (CAA Versailles, 9 février 2024, n°22VE01436).
Ainsi, il semble désormais qu’en vertu d’un principe général du droit, l’ensemble des conseillers municipaux peuvent bénéficier de la protection fonctionnelle, et ce selon les mêmes règles que le maire et les élus le suppléant ou ayant reçu délégation, sous réserve d’une décision ultérieure du Conseil d’Etat.
Les développements ci-après ne tiennent pas compte d’une éventuelle confirmation jurisprudentielle ; ils s’appuient sur les textes et les jurisprudences existants.

2- Les circonstances ouvrant droit à la protection fonctionnelle

2-1 les élus victimes d’accident (article L2123-31 du CGT)

Les communes sont responsables de plein droit des dommages (corporels et matériels) subis par les maires, les adjoints et conseillers municipaux dans l’exercice de leurs fonctions. Pour les maires et les adjoints, la garantie s’applique pour les accidents survenus dans « l’exercice de leurs fonctions » de façon assez large. En revanche, la couverture des conseillers municipaux est limitée à la participation aux séances du conseil municipal, aux réunions des commissions et du conseil d’administration du CCAS dont l’élu est membre ainsi qu’à l’exécution d’un mandat spécial. Cette responsabilité de la commune s’entend comme incluant les accidents de trajet pour se rendre ou pour quitter le lieu de la réunion du conseil municipal (réponse ministérielle à la QE 19402 de Jean Louis Masson, JO Sénat du 04/02/21). Lorsque sa responsabilité est engagée, la commune est tenue d’indemniser l’élu afin de garantir la réparation de l’intégralité du dommage subi, y compris en cas d’atteinte à l’intégrité physique. La loi prévoit qu’il revient alors à la collectivité de verser directement aux praticiens, pharmaciens, auxiliaires médicaux, fournisseurs ainsi qu’aux établissements le montant des prestations afférentes à cet accident. Ce montant est alors calculé « selon les tarifs appliqués en matière d’assurance maladie » (art. L. 2123-32 du CGCT).
La responsabilité de la collectivité peut toutefois être atténuée voire dégagée, selon les circonstances propres à chaque espèce, s’il y a eu faute ou imprudence de la part de la victime.
Le dispositif légal actuel permet ainsi à la collectivité de s’assurer que sa responsabilité ne puisse être engagée que si l’élu a subi un dommage survenu au titre d’une activité présentant un lien avec les compétences et les intérêts de la commune.
En tout état de cause, les différends qui pourraient opposer d’un côté les élus victimes d’un accident et de l’autre le conseil municipal sur l’application des dispositions précitées seraient soumis à un contrôle du juge administratif qui tiendrait compte des faits.

2-2 La responsabilité de l’État ou de la collectivité à l’égard des élus victimes de violences, de menaces ou d’outrages.

L’article L. 2123-35 du code général des collectivités territoriales dispose que : « La commune accorde sa protection au maire, aux élus municipaux le suppléant ou ayant reçu délégation ou à l’un de ces élus ayant cessé ses fonctions lorsqu’ils sont victimes de violences, de menaces ou d’outrages à l’occasion ou du fait de leurs fonctions. Elle répare, le cas échéant, l’intégralité du préjudice qui en a résulté ».
Autrement dit, dès lors que l’élu a été victime de violences, de menaces, d’outrages, d’injures ou de diffamations en raison de sa qualité d’élu, la commune doit lui accorder sa protection fonctionnelle. A ce titre, sont également protégés les proches de l’élu : conjoint, enfants et ascendants directs.
ll convient de signaler une particularité propre aux élus municipaux : si le dommage est survenu dans le cadre des missions effectuées en qualité d’agent de l’État (officier de police judiciaire ou d’état-civil par exemple), c’est l’État qui est responsable, dans les conditions définies par l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires).
Par conséquent, en cas de dommage subi par le maire, il convient de déterminer clairement les circonstances dans lesquelles cela a eu lieu, car ce n’est pas le même patrimoine qui supportera la responsabilité.
L’engagement de la responsabilité de la collectivité emporte réparation intégrale des préjudices subis, quelles qu’en soit l’importance liés à l’exercice des fonctions. Le conjoint, les descendants et les ascendants lésés sont eux aussi susceptibles de recevoir une compensation.

2-3 La protection juridique des élus devant le juge civil et pénal et la Chambre Régionale des Comptes.

S’agissant de la responsabilité pénale, la loi prévoit que la commune est tenue d’accorder sa protection à son exécutif ainsi qu’aux élus suppléants ou à l’un de ces élus ayant cessé ses fonctions, lorsque l’élu concerné « fait l’objet de poursuites pénales à l’occasion de faits qui n’ont pas le caractère de faute détachable de l’exercice de ses fonctions ».
La protection pénale comprend les frais de justice, mais pas la condamnation, compte tenu du principe de la personnalité des peines.
Dans ces deux régimes, l’existence d’une faute personnelle détachable des fonctions d’élu local exclut toutefois celui-ci du bénéfice de la protection juridique.
Les articles L. 211-8, L. 241-6 et L. 241-4 du code des juridictions financières prévoient des modalités de protection particulière en cas de contrôle de l’ordonnateur par la CRC.

3- L’octroi automatique de la protection fonctionnelle pour les élus victimes de violences, de menaces et d’outrages (articles 2123-34 et 2123-35 du CGCT)

La Loi de 2024 a introduit un mécanisme d’octroi automatique de cette protection pour le maire ainsi que les élus le suppléant ou ayant reçu délégation. Cette protection est expressément étendue également aux anciens élus ayant précédemment exercé ces fonctions.
Dans les cas mentionnés par l’article L2123-35 du CGCT, l’élu concerné doit faire une demande de protection fonctionnelle auprès du maire.
Toutefois lorsque le maire fait la demande d’une protection fonctionnelle, ce dernier devra transmettre sa demande auprès de tout élu le suppléant ou ayant reçu délégation .
Le nouveau mécanisme supprime ainsi l’intervention en amont d’une délibération par laquelle le conseil statuait sur la demande présentée par l’élu victime. La procédure est la suivante :
 L’élu concerné doit adresser sa demande de protection au maire (si c’est le maire qui fait la demande, il l’adresse à tout élu le suppléant ou ayant reçu délégation).
 Il en est accusé réception et la demande est transmise à la préfecture. Le conseil municipal en est informé.
 L’élu bénéficie alors automatiquement de la protection fonctionnelle à l’expiration d’un délai de 5 jours francs à compter de la réception de sa demande (ou à compter de la date d’accomplissement de ces obligations de transmission et d’information si ces dernières n’ont pas été réalisées dans le délai de 5 jours).
Elle est automatiquement acquise, sous deux conditions cumulatives :
 La demande effectuée devra être transmise pour information au représentant de l’État
 Le conseil municipal devra être informé de la demande lors de la plus proche séance
Si ces deux obligations ne sont pas remplies dans le délai des 5 jours francs, la protection fonctionnelle n’est acquise qu’à compter de la date d’accomplissement de ces obligations de transmission et d’information.
L’accord, par délibération, du conseil municipal n’est donc plus nécessaire.
Toutefois, le conseil municipal peut retirer ou abroger la décision de protection accordée à l’élu par une délibération motivée prise dans un délai de quatre mois à compter de la date à laquelle l’élu bénéficie de la protection de la commune, dans les conditions prévues aux articles L. 242-1 à L. 242-5 du code des relations entre le public et l’administration.

4- La notion de faits détachables de l’exercice des fonctions

En vertu des dispositions du CGCT relatives aux circonstances permettant l’octroi de la protection fonctionnelle, celle-ci ne doit pas être accordée à l’élu pour des faits ayant le caractère de faute détachable de l’exercice des fonctions.
A ce titre, le Conseil d’Etat a indiqué que :« présentent le caractère d’une faute personnelle détachable des fonctions de maire des faits qui révèlent des préoccupations d’ordre privé, qui procèdent d’un comportement incompatible avec les obligations qui s’imposent dans l’exercice de fonctions publiques ou qui, eu égard à leur nature et aux conditions dans lesquelles ils ont été commis, revêtent une particulière gravité ; qu’en revanche ni la qualification retenue par le juge pénal ni le caractère intentionnel des faits retenus contre l’intéressé ne suffisent par eux-mêmes à regarder une faute comme étant détachable des fonctions, et justifiant dès lors que le bénéfice du droit à la protection fonctionnelle soit refusé au maire qui en fait la demande » (CE, 30 décembre 2015, n°39179).
Ainsi, constituent une faute détachable de l’exercice des fonctions :
 des faits qui révèlent des préoccupations d’ordre privé (exemple : un maire qui fait acquérir par la commune deux voitures de sport sans rapport avec les besoins de l’administration communale et dont il se sert principalement à titre privé tout en abusant de la carte de carburant mise à sa disposition) ;
 ou des faits qui procèdent d’un comportement incompatible avec les obligations qui s’imposent dans l’exercice de fonctions publiques (exemple : des propos d’incitation à la haine raciale, prise illégale d’intérêt).
 ou des faits qui, eu égard à leur nature et aux conditions dans lesquelles ils ont été commis, revêtent une particulière gravité.

5- L’obligation d’assurance pour les communes

Afin d’assurer cette protection fonctionnelle, la commune est tenue de souscrire, dans un contrat d’assurance, une garantie visant à couvrir le conseil juridique, l’assistance psychologique et les coûts qui résultent de l’obligation de protection.
En outre, cela n’empêche pas la souscription de contrats individuels. En effet, dès lors que la protection fonctionnelle n’est pas toujours automatique, l’ensemble des élus locaux ont tout intérêt à avoir une assurance personnelle les couvrant dans l’exercice de leur mandat

— Publié le 15 avril 2025

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